Les Répons pour la Semaine Sainte publiés en 1611 peuvent être considérés comme le testament de Gesualdo (1566-1613), personnage étrange, violent, vindicatif et cependant d’une grande piété, en résumé, une figure complexe et contradictoire. Les trois cycles de répons pour la Semaine sainte étaient traditionnellement chantés pendant l’Office des Ténèbres, c’est-à-dire les trois derniers jours de la Semaine sainte : Jeudi (Feria quinta), Vendredi (Feria sexta) et Samedi (Sabbato sancto). Les vingt-sept motets à six voix de Gesualdo suivent une coupe binaire : à un répons de nature dramatique, descriptive ou anecdotique, s’oppose un verset qui en reprend le contenu sous une forme plus élevée, morale ou spirituelle. Le texte complet des répons retrace les derniers moments de la vie de Jésus, depuis la trahison de Judas lors de la nuit au mont des Oliviers, jusqu’à la crucifixion. Contrairement à la grande majorité des compositeurs de son époque, Gesualdo n’avait pas à répondre à une commande extérieure pour des raisons financières ; les Tenebræ Responsoria sont le résultat d’un acte créateur entièrement « gratuit ».
Le langage musical de Gesualdo fait figure d’exception : alors que la révolution baroque est en route, le compositeur renonce à l’opportunité de la basse continue synonyme de modernité et de liberté. Son écriture est à la fois contrainte, archaïque, mais surtout singulière, et fascine les musicologues et les musiciens depuis la redécouverte de son œuvre dans les années 1950.