La Favola d’Orfeo

La Favola d’Orfeo

La Favola d’Orfeo
Di Claudio Monteverdi

Rappresentata in Mantova
MDCVII

Première représentation : Mantoue, 1607
Compositeur : Claudio Monteverdi (1567-1643)
Livret : Alessandro Striggio (ca 1573-1630)

L’ORFEO DE MONTEVERDI : ENTRE BAROQUE ET RENAISSANCE

Lorsque Monteverdi compose sa Fable d’Orphée pour la cour de Mantoue, sur un livret de Striggio (poète, diplomate et fils d’un grand compositeur), il est certainement conscient de poser les bases d’un genre nouveau, après les essais florentins du tout début du siècle.

En témoignent entre autres les didascalies parsemant l’œuvre, les précisions concernant l’instrumentation, les effets de contraste violents comme l’arrivée de la Messaggiera, les véritables dialogues comme celui de Proserpine et Pluton ou les échanges entre Caronte et Orphée, et tant d’autres traits qui ancrent l’œuvre du côté du futur opéra baroque.

Pourtant, aussi bien dans son écriture musicale que par l’omniprésence des chœurs, on se trouve bien dans une œuvre ayant encore un pied dans le siècle précédent. L’écriture vocale, par exemple, est loin de celle du futur opéra vénitien du dernier Monteverdi ou de Cavalli, vive, collée à l’accentuation de la langue, proche du théâtre parlé.

Dans l’Orfeo, l’écriture et le débit vocaux sont le témoin des expérimentations du nouveau style sans atteindre encore la fluidité des opéras qui verront le jour quelques années plus tard, tandis que l’ornementation est bien dans l’esprit de celle de la première monodie des florentins Peri ou Caccini. S’en dégage quelque chose de mystérieux, complexe et fascinant, qui nous rappelle que l’œuvre était destinée à un public choisi, cultivé.

Issu de l’admiration pour le théâtre antique et ses vertus, le rôle essentiel du chœur renforce encore l’impression d’assister non aux mésaventures du pauvre Orphée, mais bien à une grande cérémonie, célébration intemporelle de la puissance de l’Amour, de la Poésie et surtout de la Musique.


INTERPRÉTER ORFEO

Tous ces éléments font qu’on ne peut aborder l’œuvre comme un opéra baroque traditionnel. Loin des grands effets théâtraux, l’art de Monteverdi demande une grande humilité pour lui laisser le soin d’exprimer les vertus et la puissance du texte, à travers le mystère de son écriture.

Nous avons donc porté, à tous les niveaux, une même exigence dans le choix des chanteurs que dans le choix des instrumentistes, aussi bien en ce qui concerne les chanteurs du chœur, qui ont, comme nous l’avons rappelé, un rôle-clé, autant que les chanteurs incarnant un personnage.

C’est par respect pour cette oeuvre phare que nous nous sommes entourés d’une équipe, rompue à l’interprétation dite “historiquement informée”. À l’image de cet Orfeo se glissant entre 2 époques, les chanteurs abordant cet opéra doivent être capables de manier virtuosité, expression et réthorique baroque tout en ayant les qualités d’écoute, de ligne et de précision liées à la pratique des grandes polyphonies du siècle précédent.

L’exemple le plus frappant de cette ambivalence est le lamento du 3ème acte Possente Spirto, dans lequel Orfeo tente de convaincre Caron, nocher des enfers, en le charmant par sa musique. Monteverdi propose lui même une version ornée par ses soins de cette supplication, pleine de virtuosité par l’ajout de notes, diminutions et autres mélismes caractéristique du Seicento italien. En étirant à l’extrême la prosodie, ce n’est plus tant le texte qui compte mais bel et bien l’agilité de la voix. La musique contient elle même l’émotion et le drame, et les mots sont tellement allongés que la compréhension du texte se fait difficile pour l’auditeur, qui se perd alors dans la beauté des ornements, des enchaînement harmoniques et du bon goût de l’interprète : Ces caractéristiques nous rapprochent bien plus des grandes diminutions virtuoses de la fin de la Renaissance que du Recitar Cantando que développe les instigateurs de la seconda pratica, ce nouveau style qui se veut beaucoup plus proche du texte, des mots, des affects et des sentiments humains. Voici une nouvelle preuve de cette dichotomie que propose Monteverdi dans son Orfeo, à cheval entre deux époques, entre deux esthétiques, et jonglant constamment entre ces deux univers.

Enfin, il est primordial que l’ensemble des exécutants, chanteurs comme instrumentistes, soient rompus aux pratiques d’ornementation et de diminution décrites par les nombreux traités édités en Italie à cette même période.

À notre sens, ce n’est qu’à ce prix qu’Orfeo retrouve toute sa puissance expressive, et dégage cette émotion presque sacrée qui étreint l’auditeur à l’écoute d’un chef-d’oeuvre novateur.

Compétences

Posté le

27 août 2023

Translate