Dès ses premièrs années d’existence, l’ensemble Consonance a cherché à décloisonner répertoires et publiques grâce notamment à quelques projets marquants comme Face à Face (2012) mêlant danse hip-hop, musiques électro et baroque (Purcell, Dowland, Haendel), ou encore Monsieur Rameau (2014), deux créations qui, outre leur dimension chorégraphique résolument novatrice grâce à la collaboration initiée avec la Cie X-press (Abderzak Houmi), ont également revêtu une dimension participative très forte.
Avec le projet Continuo, nous voilà aux confins de la musique baroque et du jazz, à la croisée de deux univers musicaux que les siècles séparent mais qui pourtant, dans l’essence même de leurs langages, ont tant en commun. Chère à Giulio Caccini et Claudio Monteverdi, la seconda pratica, marquée par l’essor de la mélodie accompagnée, rentre en parfaite résonnance avec l’art du standard de Cole Porter ou de Johnny Green.
Le trait d’union absolu est bien sûr le support harmonique matérialisé par une ligne de basse chiffrée, dans la plupart des cas réalisée et donc inventée, improvisée par les instruments polyphoniques tels que clavecin, piano, viole, théorbe, lirone….
C’est cette basse continue (continuo en italien) notion essentielle, consubstancielle à la musique baroque, qui traverse les siècles telle un pont jeté entre les folia, lamenti, danses, airs des 17ème et 18ème siècles et les univers de la musique improvisée et du jazz.
Grand amateur de jazz, j’ai toujours gardé une affection particulère pour cette musique à la fois savante et libre, tendre et violente, s’adressant autant à notre âme qu’à nos “tripes”.
Mais comment passer à l’acte, comment se lancer dans cette aventure musicale en désirant éviter les écueils de croisements artistiques flous, tièdes, et en tournant le dos aux produits de “cross-over” musicaux sans saveur ni odeur ?
L’équipe de musiciens
C’est au cours de discussions impromptues que Cédric Piromalli et moi avons dessiné les contours de cette aventure musicale.
Pianiste de jazz de talent que le désir de découverte de nouveaux horizons esthétiques a poussé vers la pratique du clavecin et de la basse continue au sein du CRR de Tours, Cédric a immédiatement abondé dans le sens du choix d’un corpus musical issu du seul répertoire baroque, ce matériau laissant assez de libertés mélodique, rythmique et harmonique pour qu’une équipe de musiciens issus des deux univers puissent vivre et dialoguer ensemble.
Il nous fallait donc créer les conditions propres à élaborer un monde musical riche d’une palette instrumentale diverse mais cohérente également nourri de vécus artistiques différents mais complémenta. Le choix de l’équipe s’est fait assez naturellement :
– une assise harmonique et rythmique diversifiée : claviers (clavecin, piano, fender-rhodes), basse de viole et violone, contrebasse et percussion
– une section mélodique contrastée : clarinettes sib et basse et deux voix (soprano et basse).
Le répertoire
D’emblée nous avons souhaité retenir un ensemble de pièces uniquement issues des répertoires des 17ème et 18ème sicècles et non tenter un improbable et systématique va-et-vient.
Musique sacrée, musique instrumentale, musique d’opéra nourries de leurs différents supports littéraires, nous ont offert un large choix d’univers, de thèmes et de textures pour autant de pistes à explorer, de sillons à creuser et d’atmosphères à suggérer.
De John Dowland à Jean-Philippe Rameau, ce sont une multitude de propositions que notre pensée et nos envies ont eu à apprivoiser dans une pratique de musique de chambre .
Nous touchons ici à l’essentiel de cette aventure-création, à savoir un travail de laboratoire, une élaboration collective et un bouillonement incessant, indispensables critères d’une expérience musicale de cette nature.