Daphnis et Alcimadure

Daphnis et Alcimadure

Daphnis et Alcimadure
Jean-Joseph Cassanéa de MONDONVILLE
Narbonne 1711 – Paris 1772
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, né à Narbonne, s’avère être le plus représentatif des
musiciens du siècle de Louis XV, dont il est presque l’exact contemporain. À cela plusieurs raisons :
– Tout d’abord, son oeuvre intéresse les différents secteurs musicaux fondamentaux de
l’époque : musique spirituelle, théâtre lyrique, musique de chambre, musique concertante ; il participa même, à sa manière, au courant symphonique naissant.
– D’autre part, le compositeur se double d’un interprète, violoniste virtuose dont la
singularité du jeu enthousiasme l’auditoire.
– Enfin, il ne faut pas négliger son troisième visage, celui de l’homme aux responsabilités
importantes, tant à la Chapelle Royale de Versailles qu’au Concert Spirituel, l’une des institutions musicales les plus importantes de notre pays à ce moment là.
Dans le domaine du sacré, Mondonville fut universellement admiré et véritablement
considéré comme le successeur de Michel-Richard de Lalande. Sur le terrain de la musique de chambre, il étonne par ses innovations, à tel point qu’on le considèrera comme l’inventeur de l’utilisation des harmoniques sur le violon.
Sur le plan lyrique, il assurera, avec Rameau, la pérennité de la musique française. En 1758,
Mondonville inaugurera une forme nouvelle en France, importée d’Italie : l’oratorio ou motet
français.
Protégé efficacement par Madame de Pompadour qui lui confiera la destinée de ses concerts au théâtre des Petits Cabinets à Versailles, il semble être le musicien préféré des salons. Cela ne l’empêche pas d’aimer la campagne ; il s’installe dans un village près de Paris… Belleville. Il y finira sa vie.
En matière d’opéra, il cultive le genre léger, celui qui à l’époque faisait recette. Il nous livre
donc des Pastorales héroïques (Isbé, Titon et l’Aurore) ou des Ballets héroïques (Le Carnaval du Parnasse, Les Festes de Paphos) dans lesquels la danse tient une place primordiale.
La production de Daphnis et Alcimadure révèle son appétit de sensationnel. « Établir, à
l’Académie Royale de Musique, une pastorale en dialecte occitan relevait de la gageure ; ce fut un triomphe. »

Daphnis et Alcimadure d’après une fable de La Fontaine
Pastorale languedocienne, créée devant le roi à Fontainebleau, le 29 octobre 1754 par Jélyotte, Latour, Marie Fel, Melles Lyonnois, Puvigné, Lany, Mrs Laval. Texte du prologue de l’abbé de Voisenon.
Paroles et musique de Mondonville.
On peut dire sans se tromper, que si le nom de Mondonville n’a pas disparu totalement de
nos dictionnaires et de nos histoires de la musique au cours des siècles, c’est grâce, d’une part, à ses sonates pour violon et clavecin, et d’autre part, à sa pastorale Daphnis et Alcimadure.
Pour quelles raisons ?
Ses sonates intéressent au plus haut point les violonistes à cause de certaines nouveautés
techniques exploitées par l’auteur, les sons harmoniques particulièrement.
Quant à Daphnis et Alcimadure, on peut penser que le dialecte languedocien utilisé par le
compositeur a beaucoup charmé et surpris à la fois les auditeurs avides de curiosités. Les
provinciaux se sont sentis concernés. Les esprits encore échauffés par la guerre des Bouffons ont, soit « récupéré », soit désapprouvé l’usage du patois. Mais il est certain que tout le monde en parla longuement.
Un autre méridional, Jean-Joseph Mouret avait eu l’idée d’introduire la langue provençale
dans une entrée de l’une de ses oeuvres, Les festes de Thalie. Mondonville s’inspira très certainement de cette idée quand il entreprit d’écrire le livret et la musique de Daphnis.
Cette pastorale se divise en 3 actes écrits en occitan, avec un prologue en vers français
intitulé « les jeux floraux », et paraît pour la première fois à la cour de Louis XV pendant le séjour royal à Fontainebleau, le mardi 29 octobre 1754.
Le compositeur la dédie à la Dauphine.
Non seulement l’on retrouve les qualités « occitanes » de la musique de ce compositeur
originaire d’Occitanie, mais il écrit le livret directement en langue d’Oc. Il inclut même dans son oeuvre une authentique chanson languedocienne.
Cette oeuvre sera présentée au public parisien sur la scène de l’Académie Royale de Musique le 5 janvier 1755, et connaîtra ensuite 26 représentations en Occitanie : Montpellier, Nîmes, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Béziers, Millau, Saint-Pons, Saint-Chinian, Saint Jean du Gard, etc.
Source : Société de Musicologie du Languedoc

L’ASPECT OCCITAN DE L’OEUVRE
Il existe très peu d’oeuvres lyriques en occitan, ce qui confère à la Pastorale de Mondonville
un intérêt multiple, à la fois artistique et ethnologique.
Car l’emploi de l’Occitan par Mondonville pour le livret de sa pastorale n’est pas anodin ;
c’est une invitation à découvrir non seulement une langue, mais surtout la richesse de la civilisation occitane, inconnue de la plupart d’entre nous, et qui a rayonné sur l’Europe entière et en particulier l’Europe du Sud durant 3 siècles.
C’est également un acte de revendication de cette identité par Mondonville qui se trouve au
carrefour :
– de deux conceptions musicales différentes : les Anciens et les Modernes
– de deux types de pouvoir : un pouvoir centralisateur avec la langue dominante : le
français, et un pouvoir fédéral unifié par une langue régionale : l’occitan
– de deux cultures : l’Europe du Nord influencée par la culture germanique et l’Europe du
Sud, tournée vers le monde Méditerranéen.

Argument
Daphnis et Alcimadure
Prologue
Le jardin et le palais de Clémence – Isaure.
Phoebus, Flore et Amour règnent en parfaite harmonie auprès de Clémence qui annonce le prétexte de la pastorale à la façon d’un manifeste : le badinage entretiendrait la constance de l’amour. Preuve en est l’histoire de Daphnis et Alcimadure…
Acte I
Le hameau d’Alcimadure entouré d’arbres.
Tenaillé par le mal d’amour, Daphnis avoue à Alcimadure sa passion dévorante mais essuie un refus farouche. Alors que le frère de la « damoiselle », Jeanet, tente de convaincre sa soeur que Daphnis représente le mari idéal, celle-ci lui rétorque : « lou plazé de la bido, Aco la gayétat, E quand on se marido, on perd la libertat » (le plaisir de la vie, c’est la gaieté. Et quand on se marie, on perd la liberté).
Acte II
Les alentours du hameau d’Alcimadure.
Afin de sonder l’amour de Daphnis pour sa soeur, Jeanet essaie de débaucher le berger en lui vantant les bienfaits de la perversion sur les peines de coeur puis, dans l’intention de stimuler la sensibilité de Daphnis, lui annonce son mariage avec Alcimadure. Surgit alors la bergère, affolée par un loup qui veut la dévorer. Daphnis tue la bête sauvage ; Alcimadure et tout le village lui témoignent leur gratitude au cours d’une fête donnée en son honneur.
Acte III
Une place entourée d’arbres, une rivière dans le fond.
Le dévouement de Daphnis a troublé Alcimadure, en dépit de ses convictions pour le célibat.
Daphnis lui révèle qu’il projette de lui léguer ses biens après sa mort. Comprenant les sombres intentions du jeune homme, Alcimadure appelle son frère à l’aide mais celui-ci lui apprend la mort de Daphnis. Alcimadure se lamente et, criant enfin son amour, veut se suicider à l’aide du poignard avec lequel s’est tué Daphnis.
Le dénouement heureux de rigueur ne fera pas défaut : Daphnis et Jeanet avaient imaginé ce stratagème pour forcer la belle à se déclarer… et à se marier.
Source : Dictionnaire des oeuvres de l’Art vocal, Honegger, Bordas.

Compétences

Posté le

27 août 2023

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