Au cours de mon mandat à la direction artistique de l’Orchestre National de Jazz, j’ai souhaité que l’orchestre présente des programmes très différents les uns des autres, d’une part parce qu’il me semble qu’être représentatif de la diversité musicale doit être une mission pour nous, ensuite parce que cela permet d’ouvrir l’ONJ à un plus grand nombre de collaborations avec des artistes.
Mon travail de compositeur a toujours été très en lien avec la musique contemporaine. Lorsque j’ai été nommé à la tête de l’orchestre, j’ai donc proposé à Olivier Leymarie de réunir l’Ensemble intercontemporain et l’ONJ autour d’un programme hybride où la question des rapports entre improvisation et écriture est au centre de la musique créée. Pour ce programme, j’ai souhaité collaborer avec Sofia Avramidou et Andy Emler, deux compositeurs issus d’esthétiques très différentes. Tous deux ont une approche singulière de la composition et une pratique de l’improvisation. Sofia a une écriture qui se concentre sur le timbre, les textures et la forme. Elle développe dans ses œuvres une véritable dramaturgie. Tous ces éléments sont également au centre de mon travail depuis 15 ans et c’est donc tout naturellement que je me suis intéressé à son univers qui est magnifique. Elle a, par ailleurs, déjà collaboré avec l’Ensemble intercontemporain, elle sera donc en terrain connu. Je voulais également passer commande, au cours de mon mandat, à un artiste majeur des générations m’ayant précédé. Le travail qu’Andy Emler réalise depuis 40 ans est un modèle pour ma génération de compositeurs. Il possède ce qui est probablement le plus difficile à façonner pour un compositeur : un style d’écriture reconnaissable dès la première mesure, doublé, chose remarquable dans le champ musical, d’un sens de l’humour particulièrement acéré.
Avec ce programme dévoilé à l’automne 2024, Sofia, Andy et moi souhaitons emmener les auditeurs sur un autre terrain que celui de l’improvisation idiomatique habituellement liée au jazz et jouer avec d’autres codes partagés par toutes les esthétiques. La musique qui se « jouera » sera, je l’espère, impossible à associer à un genre mais aura cette capacité à éveiller l’imaginaire pour tous les spectateurs. Nous voulons que l’orchestre qui naîtra de la fusion de l’Ensemble intercontemporain et de l’Orchestre National de Jazz soit une entité en soi : en un mot que la musique circule entre ces musiciennes et musiciens exceptionnels et qu’ils jouent avec ! Une musique dans laquelle la spontanéité de l’improvisation permet de renouveler sans cesse la forme et faire que chaque concert soit unique.