2024 CENTENAIRE DU DÉCÈS DE GABRIEL FAURÉ
« Fauré, qui est-ce ? » aurait dit François Albert, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts dans le premier gouvernement Edouard Herriot, sous la présidence de Gaston Doumergue, à l’occasion de la demande d’obsèques nationales pour Gabriel Fauré. Le 24 novembre 1924 disparaissait à l’âge de 79 ans un des plus importants compositeurs français. Couvert d’honneurs et de charges (Inspecteur général des Beaux-arts, directeur du Conservatoire de Paris, membre de l’Institut, Grand-croix de la Légion d’honneur) Gabriel Fauré reste avant tout un compositeur ayant, à sa manière, révolutionné le langage musical, au point de donner son nom à un enchainement d’accords, la « cadence fauréenne ».
Il reste dans l’esprit commun encore méconnu. Compositeur de salon à la mode dans le Paris de la fin du XIXe siècle, cette image lui colle encore à la peau. Pour beaucoup il est le compositeur d’un requiem, d’une pavane et d’une sicilienne, occultant une production importante couvrant tous les genres, des plus intimistes mélodies au monumental Prométhée, conçu pour les arènes de Béziers.
Musicatreize propose pour célébrer le centenaire du décès de Gabriel Fauré une de ses rares oeuvres d’envergure pour choeur (hors Requiem), La Naissance de Vénus, écrite pour la Société Chorale dont le secrétaire était le poète Paul Collin.
Les compositeurs et les œuvres
Philippe Schoeller (né en 1957) : formé à la philosophie autant qu’à la musique, Philippe Schoeller appréhende le son comme une matière en mouvement et en lien avec les autres disciplines artistiques, à l’instar de Debussy.
Œuvre : Le Poison. Ecrit comme un prolongement aux Préludes de Debussy et aux Nocturnes de Fauré, Le Poison de Philippe Schoeller sera formé d’harmonies vénéneuses qui entreront en résonance avec le poème de Baudelaire et les oeuvres Dans un café de Degas (Musée d’Orsay), Le Buveur d’absinthe de Manet (Ny Carlsberg Glypotek Copenhague) mais aussi L’Absinthe de Picasso (Musée d’Orsay) ainsi que la figure de Ellen Andrée, muse de Manet et Degas dans leurs représentations de portraits aux débits de boissons (La Prune, Au café, Chez le père Lathuille, Dans un café, etc).
Francis Poulenc (1899-1963) : Après un cursus de piano en cours particuliers avec sa mère puis Ricardo Viñes (qui lui fait découvrir Debussy, Ravel et Satie) Francis Poulenc se fait connaitre dès 1917 par une partition dadaïste, Rapsodie nègre, qui lui ferme définitivement les portes de la classe de composition du Conservatoire de Paris mais lui en ouvre bien d’autres. Il fait la connaissance de Guillaume Apollinaire, Paul Éluard, Max Jacob et surtout Jean Cocteau, à l’origine du « Groupe des Six ». En 1924 Poulenc reçoit sa première commande importante, Les Biches, par Serge Diaghilev pour les Ballets russes. Suivent le Concert champêtre, le Concerto pour deux pianos, Le Bal masqué et plusieurs mélodies. Pris d’une crise de mysticisme en 1935 il se retire à Rocamadour. Ses oeuvres deviennent plus austères et plus sombres, avec une large part dédiée à la musique sacrée : Litanies à la Vierge noire, Sécheresses, Quatre motets pour un temps de pénitence, … Pendant la 2nde Guerre mondiale, il exprime son désaccord avec la politique de l’occupant en mettant en musique des poèmes écrits au secret de Paul Éluard : Figure humaine et Un soir de neige. 1947 voit une nouvelle période esthétique du compositeur, résolument néoclassique et tournée vers l’opéra : Les Mamelles de Tirésias, Dialogues des carmélites, La Voix humaine. Ses dernières oeuvres vont vers la musique sacrée (Gloria, Stabat Mater, Répons de ténèbres) et la musique de chambre.
Œuvre : Figure humaine. Vaste cantate a cappella, « acte de la foi [qui s’exprime] sans le secours instrumental, par le seul truchement de la voix humaine » (citation du compositeur), Figure humaine est composé au secret en 1943 sur des poèmes de Paul Éluard extrait du recueil édité clandestinement Poésie et vérité 42. Chef d’œuvre du XXe siècle du répertoire choral, créé à Londres par le BBC Chorus le 25 mars 1945, c’est, selon Poulenc « une œuvre capitale pour moi si elle ne l’est pas pour la musique française ».
Gabriel Fauré (1845-1924) : enfant prodige, protégé de Saint-Saëns à ses débuts, c’est en tant qu’organiste qu’il commence à se faire connaitre. Pianiste accompagnateur, professeur de piano, maître de chapelle, Fauré enchaîne les emplois jusque’à sa rencontre avec la Comtesse Greffulhe, qui devient la promotrice de son oeuvre (et à qui est dédiée la célèbre Pavane). Fauré devient ensuite organiste titulaire à La Madeleine (la paroisse du gotha parisien) et est nommé en 1896 professeur de composition au Conservatoire de Paris. Sa musique rencontre certes le succès mais aussi l’incompréhension de ses contemporains. En 1905 il accède à la direction du Conservatoire. Une révolution pour l’établissement, qui n’a connu que des lauréats du prix de Rome à sa tête. Il entreprend de repenser intégralement l’enseignement qui y est prodigué. Atteint de surdité et de santé fragile, il prend sa retraite en 1920.
Œuvre : La Naissance de Vénus. Scène mythologique pour solistes, chœur et piano, La Naissance de Vénus est une commande de la Société chorale dont le secrétaire était le poète Paul Collin. L’œuvre fut créée en 1886 à Paris dans sa version avec piano (avec pas moins que César Franck au clavier) et obtint un succès critique. Fauré l’orchestra par la suite – création par les Concerts Colonne en 1895 – et La Naissance de Vénus connut ainsi une seconde carrière, surtout outre-Manche dans une traduction anglaise. Bien que reprise régulièrement en Grande-Bretagne (dont un enregistrement fait par la BBC au début des années 2000) cette œuvre a été totalement oubliée en France.