L’année 1645 fut celle d’une grande perte pour la musique anglaise. En pleine guerre civile, William Lawes est tué le 24 septembre lors du siège de Chester, bastion défendu par les royalistes fidèles à Charles Ier, où il avait été assigné à une position militaire sécurisée. La mort à 43 ans du petit frère d’Henry Lawes fut à juste titre perçue comme une tragédie par le monde musical de l’époque comme l’attestent plusieurs poèmes de Robert Herrick, Robert Heath ou encore John Tatham. Celui-ci, 5 ans après la mort du compositeur, écrit dans Ostella (1650) : « Who says Will Lawes is dead ? Had not his breath virtue enough to charm the Spleen of Death ? ».
C’est à partir des années 1630 que William Lawes compose la plus grande partie de son œuvre de musique de chambre lorsqu’il est intégré à la vie de la cour par l’entremise de son frère, obtenant en 1635 le poste de chanteur et luthiste de la musique du Roi. Son œuvre est traversée d’éclairs de génie, admirés aujourd’hui des violistes. Ses fantaisies pour 5 et 6 violes sont une référence pour tout le répertoire de consort de violes de gambe. William Lawes compose aussi la musique de plusieurs pièces de théâtre et Masques comme The Triumph of Peace et ses célèbres Royal Consorts intégrant notamment deux parties de théorbe. Tout au long de sa courte et brillante carrière de musicien, l’œuvre de William Lawes étonne par son audace harmonique et contrapuntique, proposant une synthèse entre le style polyphonique élisabéthain hérité des compositeurs de la Renaissance, la Seconda Pratica venue d’Italie et accompagnée de la basse continue ou bien encore la Suite de danses françaises. Assez peu connue aujourd’hui du grand public, elle resplendit par son inventivité et le choix des formations retenues. Ses Harp Consorts, probablement composés pour le cadre privé du Roi qui comptait dans ses rangs plusieurs harpistes, illustrent bien cet avant-gardisme et la créativité du compositeur, nous léguant l’une des premières partitions spécialement conçues pour la Harpe, accompagnée ici par la viole de gambe, le violon et le théorbe. Il est aujourd’hui difficile de savoir si l’œuvre était destinée à être jouée par une harpe triple ou par une harpe irlandaise chromatique car les deux instruments coexistaient à la cour.
Pour accompagner ces œuvres singulières, qui sont au centre de la nouvelle création de l’ensemble Près de votre oreille, nous avons choisi de présenter une partie encore moins connue de l’œuvre de William Lawes qui atteste bien du talent du musicien. Choice psalmes, publication posthume d’Henry Lawes en 1648, dévoile de sublimes psaumes mis en musique par son petit frère pour trois voix et basse continue. William Lawes ne fut jamais nommé Gentlemen of the Chapel Royal mais la nomination de son frère ainé à ce poste en 1626 lui permit probablement de faire entendre ses œuvres sacrées. Ces pièces n’ont aujourd’hui jamais été enregistrées et sont parfois d’une extravagance harmonique rare. L’élégie en hommage à John Tomkins, ou bien l’œuvre Judah in exile wanders illustrent particulièrement bien les libertés harmoniques prises par le compositeur pour servir une émotion puissante. Lighten mine eies, programme qui emprunte son titre à quelques vers extraits d’un psaume attribué au roi David (lui-même présumé harpiste), propose d’associer aux Harp consorts ces œuvres vocales passionnantes, injustement méconnues, qui semblent pouvoir nous toucher comme le fit la propre mort de William Lawes auprès de ses amis musiciens.