Notre société est malade d’individualisme et de superficialité. Comme le dit le philosophe Georges Didi-Huberman dans son texte « Survivances des lucioles », le livre de Saint Exupéry est un livre fondamental de résistance à la pensée unique et égoïste de notre société hyper connectée. Dans ce sens, Le petit prince est une des lucioles de notre époque, il nous montre la voie de ce qui est essentiel pour nous. C’est un trésor commun.
Le face à face entre un homme et un petit garçon au milieu du désert a prêté jusqu’à nos jours à un grand nombre d’interprétations. Un homme face à lui-même, face à la solitude, à la mort. Le personnage du Petit Prince est tout le contraire d’un mirage, il constitue les fondations de la pensée complexe que son auteur a sur le monde. Un monde qui au beau milieu de la guerre ressemble étrangement au nôtre. C’est en pensant au texte hors de son habillage traditionnel, au texte nu, que l’idée de ce concert nous est venue. Nous avions déjà tenté une expérience similaire sur les textes de Perrault avec un travail scénique dans le fameux « espace vide » cher à Peter Brook. Nous avions laissé les personnages déployer leur énergie sur un plateau dont l’unique décor, la seule dynamique, le seul rythme, était la musique de Maurice Ravel et la lumière. Ouvrir un regard intérieur chez le spectateur, le rendre actif, déployer devant lui des imaginaires à saisir. Un langage universel, voilà qui correspond parfaitement à notre auteur, humaniste et philosophe, intellectuel et aventurier.
Le dramaturge Jean Manifacier travaille actuellement à l’élaboration de ce spectacle musical en collaboration avec le compositeur Fabien Waksman. Nous chercherons prochainement un comédien. Sans prédominance, la voix se mêlera, se confondra, s’enroulera dans la musique, elle sera portée, couverte, exaltée, balayée par les sons. Émergeront, comme des oasis, des moments de texte pur ou de pure musique. Une partition complexe et limpide pour nous donner accès à un monde à la fois familier et insaisissable.