Une série musicale
« Flot » est une proposition de nouveau format musical, l’équivalent en création musicale contemporaine de la série audiovisuelle ou encore du podcast.
Ce format original est né des intersections contenues dans mes compositions, qui font se rencontrer des écritures musicales éloignées, voire contradictoires.
Il en naît une dramaturgie, qui débouche sur une narration sonore, phénomène que j’ai synthétisé par le terme de « musique -fiction » : ce qui désigne, d’une certaine manière, la tentative de créer ce qui serait à la musique ce que la science-fiction est à la science.
Le format « série », “podcast”, “feuilleton”, si ancré dans nos habitudes d’écoutes contemporaines, m’est apparu comme une solution particulièrement intéressante pour explorer ce potentiel narratif de la matière musicale.
Cette forme peut également se penser comme une mise à jour du principe symphonique et de son ambition première – une forme de “musique totale”, regroupant dans une même œuvre les différentes familles d’instruments et les différentes techniques d’écriture- dans le contexte des nouvelles technologies de composition et de réalisation musicale.
On y rencontre ainsi, connectées, l’écriture chambriste, la composition électro-acoustique, l’improvisation libre retravaillée en post-production, le song-writing. Les synthétiseurs, les machines, et les instruments acoustiques s’y entremêlent.
La première saison de la série se déploie en 6 épisodes de vingt minutes environ chacun.
Différentes chansons, pour la plupart en anglais, parsèment le parcours. On devine derrière l’enchaînement de leurs textes la trame d’une histoire d’amour vécue comme une transfiguration, dessinant un trajet depuis le labyrinthe brumeux décrit dans la première chanson “Face/Time”, à la fin du premier épisode, jusqu’à l’épiphanie de “Belong to You” qui clôt la saison. Ce cheminement amoureux et spirituel est ponctué par des apparitions vocales plus ponctuelles, des chansons traitant des faux-semblants sociaux (“Dilution”), de la société de consommation (“2 4 1”)…
Cependant, ce cheminement n’est pas dessiné que par le contenu des textes. Les ombres du flot, ses accélérations, ses lumières, ses méandres, se produisent avant tout dans la matière musicale, et il reste donc surtout de cette expérience de “musique-fiction” une narration abstraite – mais expressive – ,dont les chansons constituent plus des événements produits en conséquences de la trame musicale qu’en moteurs de celle-ci. Ainsi, les “moments” instrumentaux, majoritaires dans la série, ne constituent pas pour moi des transitions, des introductions ou encore des postludes aux chansons, mais bien des événements tout aussi significatifs de cette épopée sonore.
Le flot emporte tout, continuellement.
Les différents éléments qu’il charrie y sont mis en relief, mais non soumis à une hiérarchie.
Profitant des possibilités offertes par le format enregistré, “Flot” fait intervenir des interprètes éloignés dans l’espace, qui se rencontrent dans le sonore : du claveciniste Jean Rondeau au quintette de cuivres « Local Brass Quintet », en passant par le percussionniste et batteur Tancrède D. Kummer, le guitariste expérimental Mocke, l’euphoniumiste Hélène Escriva, le groupe de musique électronique UTO, le chanteur de rock progressif Gystère, la violoncelliste Barbara Le Liepvre, le luthier et musicien Afero.
A mes côtés, l’artiste hypermédia Eden Tinto Collins assure la direction artistique ainsi que la création visuelle accompagnant la série, ainsi que le texte et l’interprétation vocale d’un morceau présent dans l’épisode 3, “Dilution”.
“Flot’” a reçu, pour la production (en cours) des épisodes 4, 5, et 6, le soutien de la Maison de la Musique Contemporaine (MMC), au titre de l’aide à la production phonographique.
“FLOT” : la performance orchestrale
Suite à l’invitation d’Hélène Escriva et sa compagnie asH, à l’occasion d’une carte blanche qui lui a été donnée par l’Orchestre de Chambre de Genève, nous sommes en train de mettre en place un concert-performance orchestral innovant, qui fera entendre cette série musicale en direct, et en public.
Le format des 6 épisodes de 20 minutes permet un grand nombre de possibilités d’organisation dans le temps de cette performance. Cette organisation sera conçue in situ, en fonction du contexte où cette œuvre sera amenée à prendre forme. Les épisodes pourront être présentés de manière fragmentée ou continue, individuellement ou regroupés par sections…
Il s’agira donc, et c’est bien la moindre des choses pour une série appellée “Flot”, d’une forme fluide, qui pourra traverser des espaces non nécessairement pensés initialement pour la musique orchestrale, des occasions spéciales (festivals, “nuit blanches”, “folles journées”, événements exceptionnels, etc.).
Il s’agira également – toujours en cohérence avec le principe du flot, du cours d’eau, du fleuve- d’une forme immersive, se prêtant particulièrement bien à une disposition inhabituelle de l’orchestre dans l’espace, à une mise en scène faisant appel à la vidéo, à la projection, au mapping, au mouvement des musicien.nes – mise en espace qui sera réalisé à chaque fois en fonction du lieu accueillant le projet, et en collaboration avec Eden Tinto Collins.
L’idée est que ce “flot” nous embarque, que le public et les interprètes en fassent partie au même titre, réunis dans la fluidité de la narration musicale.
La formation instrumentale rassemblera à chaque occasion un orchestre de chambre, auquel s’associeront les instrumentistes de asH (Hélène Escriva – Euphonium, Pierre Cussac – accordéon, Mathias Durand – guitare électrique, Lucas Henri – contrebasse, basse électrique) et de Worms Prestige (Nicolas Worms – claviers, Tancrède D. Kummer – batterie, Esteban Pinto Gondim – saxophone, clarinette basse).
En ce qui concerne les chanteuses et chanteurs qui interpréteront les 8 chansons qui parsèment ces 2 heures de musique, j’envisage que nous puissions travailler là aussi in situ, en établissant pour chaque lieu où nous jouerons cette performance un partenariat entre l’orchestre concerné et un label de musique indépendant ancré dans la même ville ou le même territoire, avec lequel nous établirons ensemble le casting des “voix” – constitué si possible d’artistes du label en question.
A titre d’exemple, à Genève, nous pourrions travailler avec Bongo Joe Records, partenaires réguliers de la salle du Rez de l’Usine où aura lieu la performance. À Paris, avec Infiné ou Murailles Music. À Nantes et Angers, avec Yotanka Records. À Poitiers, avec Only Lovers Record. À Lyon, avec Echo Orange. À Bordeaux, avec Talitres. Etc…
Cette rencontre entre orchestres et labels indépendants implantés dans une même ville ou une même région, mais représentant des styles musicaux habituellement éloignés, serait une manière de retrouver dans la production elle- même de cette performance la rencontre contenue dans l’écriture musicale.
Elle décalerait aussi le rôle des voix dans la série, qui seraient donc celles d’interprètes à chaque fois différents, selon le lieu traversé par le flot, un peu comme si différents humains s’y baignaient, à différentes étapes du parcours de l’œuvre – mettant en forme concrète la non-hiérarchie entre chansons et musique instrumentale décrite plus haut.