Créée en 1680 à la Cour de Saint-Germain-en-Laye et couronnée d’un grand succès, Proserpinemarque le retour de la riche collaboration entre Quinault et Lully, interrompue à la suite du scandale d’Isis, en 1677. Si l’histoire de Proserpine est inspirée des Métamorphoses d’Ovide, le livret de cette tragédie lyrique en cinq actes se concentre davantage sur la figure de Cérès, mère de Proserpine, dévastée par l’enlèvement de sa fille par Pluton, dieu des enfers, qui souhaite l’épouser. Le contexte de création de l’œuvre est éclairant puisqu’il coïncide avec l’annonce du mariage de Marie-Anne de Bavière et de l’unique fils légitime de Louis XIV : Proserpine qui doit épouser un homme qu’elle n’a pas choisi, afin de devenir la reine des Enfers où elle trouvera finalement l’amour évoque le destin de la princesse de Bavière. Par ailleurs, le personnage de Cérès délaissée par Jupiter n’est pas sans rappeler la Marquise de Montespan négligée par Louis XIV pour Madame de Ludres.
Avec Proserpine, Lully sert l’évolution du genre de la tragédie lyrique qu’il a lui-même fondé en explorant une grande variété de combinaison vocale et orchestrale. L’orchestre ne se contente plus de jouer les divertissements instrumentaux encadrant l’action, mais contribue désormais à la progression dramatique en se faisant soutien et réplique des personnages et chœurs. Le duo de Pluton et Ascalaphe, premier duo de basses de ce répertoire témoigne également du renouvellement du genre. Cette œuvre témoigne ainsi « de changements décisifs pour l’avenir de la tragédie » selon Jérôme de La Gorce.
Pour Christophe Rousset et les Talens Lyriques l’interprétation de Proserpine incarne une nouvelle étape incontournable de leur parcours brillant et acclamé au cœur des tragédies lullistes.