Poésie, musique médiévale et contemporaine nous invitent à parcourir « Les Thébaïdes » entre Orient et Occident.
Le désert de Thèbes fut le refuge des premiers chrétiens, depuis on nomme Thébaïde tout lieu, même symbolique, où l’on s’isole pour mener une vie d’ascèse et de prières, où l’on se « vide » du monde pour accéder à une seconde naissance. Évocateur du retrait, de l’épreuve mais aussi lieu de la révélation, le désert relie les trois religions monothéistes.
Au Moyen Âge, en Occident, il désigne l’ermitage, la forêt, les îles, les monastères. Métaphore d’une vie solitaire où l’on vient contempler les « réalités invisibles », on y prie, on y chante. De même, chez les Soufis, la Khalwa qualifie aussi bien l’action de s’isoler que le lieu où l’on s’isole, la nature, le désert, la grotte, la cellule. C’est une voie de connaissance par « l’illumination et l’ouverture spirituelle »
Ce programme porte l’écho de ces thébaïdes, dans différents lieux, différentes religions, langues et époques.
Au Moyen Âge chrétien, nous puisons au manuscrit de Las Huelgas, monastère féminin fondé au XIIe siècle en Espagne, terre où convergent Orient et Occident durant des siècles. Afin de tenter d’y déceler une source commune, nous puiserons dans le chant maronite et le chant soufi.
La chanteuse et compositrice tunisienne Alia Sellami, prête par sa voix à des pièces ancestrales transmises oralement de génération en génération. Nos thébaïdes modernes seront présentes avec deux œuvres contemporaines, Déserts de Jonathan Bell et Khalwa de Alia Sellami.
Déserts de Jonathan Bell est composé sur des poèmes de Loránd Gáspár, issus de Sol Absolu (Paris, Gallimard, 1972) et le Quatrième état de la matière (Paris, Flammarion, 1966). Ces deux recueils présentent le monde minéral du désert comme un lieu de vie, propice à la méditation et à la réflexion, au retour sur soi qui permet l’écoute de l’Autre et l’ouverture au monde. Dans ces mêmes déserts ont marché les hommes du Moyen Âge, pareillement épris d’absolu, à la recherche d’une résonance et d’une transcendance. Dans un espace qui semble vierge, la nature s’offre à l’homme telle une œuvre d’art que la poésie sait capter. Le désert, symbolique d’une solitude choisie, et le désert géologique sont consonants dans leur immensité.
« Tisser, envers et contre toutes les apparences une continuité entre la musique du passé, celle d’aujourd’hui et celle de demain, voire, d’essayer d’en utiliser les fils assonants et dissonants dans un commun faisceau du questionnement de la douleur et de la lumière. »
Loránd Gáspár