Le quatuor à cordes, véritable athanor des compositeurs, duquel ils concoctent depuis toujours les pages les plus personnelles et aventureuses de leurs univers créatifs, n’a pas fini, aujourd’hui encore, de nous surprendre et de nous émerveiller. Ce concert consacré à des œuvres du XXIème siècle se propose de faire entendre quatre idées contrastées de la modernité.
Francesca Verunelli, créatrice singulière, reconnaissable entre tous, nous offre enfin la primeur de son nouveau quatuor à cordes. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le mystère reste entier, mais quiconque connaît sa musique s’attendra, à la suite de son « Unfolding » pour quatuor et électronique, à une musique aux textures diaprées et adamantines, riches de possibilités, ouvrant tantôt sur des polyphonies riches et scintillantes, tantôt sur des rythmiques acérées et délirantes.
Ruth Crawford-Seeger nous a laissé un quatuor très bref, d’une douzaine de minutes environ, mais d’une puissance musicale rare, et qui fait regretter qu’elle n’ait pas composé davantage ! D’un langage résolument atonal, le premier mouvement est un dialogue tourmenté entre quatre personnages très caractérisés, le deuxième est un scherzo filant à toute allure, comme un écho de la Suite Lyrique de Berg (que Ruth Crawford-Seeger ne connaissait certainement pas !). Le troisième est un canon d’intensités, comme les respirations haletantes des quatre instruments devenus vivants. Le final, préfigurant la musique de Nancarrow, est un combat entre le premier violon et les trois autres, en forme de chiasme, comme les notes s’ajoutant à sa ligne mélodique semblent à l’inverse disparaître des réponses données par ses camarades.
Grazina Bacewicz était d’abord une brillante violoniste polonaise, de renommée internationale. Mais à la manière des grands noms des siècles précédents, elle était aussi une compositrice originale et inspirée. Parmi ses sept quatuors à cordes, nous avons choisi (choix difficile !) d’interpréter le troisième, en trois mouvements, écrit à Paris, exemplaire par son équilibre formel. Il s’agit d’une musique bien ancrée dans son temps, héritée tout droit de Bartók, de Stravinsky et bien sûr de Szymanowski. Mais elle laisse entrevoir une sensibilité aux instruments à cordes très personnelle, fruit de sa culture violonistique, et d’une gourmandise du son et des harmonies neuves, qui en font de ce quatuor un vrai bijou du répertoire, une œuvre brillante injustement absente des programmes de concert.
Meredith Monk est elle aussi une artiste aux multiples visages, tant chanteuse que performeuse, vidéaste ou compositrice. Son quatuor, écrit pour le Kronos Quartet, nous plonge dans le minimalisme américain, avec une évocation des grands espaces qui donne immédiatement envie de voyager ! Mais son style très particulier, fait de jeux de hoquets, de carillons entre les instruments, est unique et attachant, et plonge immanquablement l’auditeur dans une écoute recueillie. L’immobilité vertigineuse du troisième mouvement est contrebalancée par la souplesse des lignes du second, qui déroulent lentement les spires de la mélodie, ou le flot motorique et irrésistible du final, qui mène à l’extase.