Bien que Marc-Antoine Charpentier n’ait jamais tenu de position officielle à la cour de Louis XIV, son expertise et sa productivité lui ont permis d’accéder au poste de maître de musique au service de la Duchesse de Guise, cousine du roi. Si les fonctions officielles de Marc-Antoine Charpentier l’ont davantage porté vers la musique religieuse, le compositeur a pourtant souvent été tenté par l’opéra.
Jean-Baptiste Lully était alors tout puissant, détenant le monopole de l’opéra, et ce n’est qu’à sa mort que Charpentier composera Médée, en 1693, qui sera sa seule tragédie lyrique. Cependant, tout au long de sa carrière, son intérêt pour la musique de scène reste présent : il compose des intermèdes pour les pièces de théâtre de Molière, des pastorales comme Actéon, des idylles en musique tel que Les arts florissants, des divertissements et Airs sérieux et à boire.
Lors de son séjour à Rome en 1660, il a pu côtoyer le répertoire de l’opéra italien, une influence qui le poussera sans doute à écrire cet opéra de chambre autour du mythe d’Orphée en 1686. Comme la plupart des divertissements composés par Charpentier lors de la période où il est au service de Mademoiselle de Guise, La Descente d’Orphée aux enfers réunit une distribution réduite : 2 violons, 2 flûtes, 2 violes et la basse continue forment l’ossature instrumentale qui accompagne une troupe d’une douzaine de chanteurs.
L’opéra se déroule en deux actes. Le premier nous présente une scène bucolique dans laquelle Eurydice, entourée de ses compagnes, sera mortellement blessée par le serpent ; puis une deuxième scène dans laquelle Apollon encouragera Orphée à descendre aux enfers. Le deuxième acte, quant à lui, raconte le séjour aux enfers et la manière dont Orphée parviendra à charmer Pluton, le convaincant de le laisser ramener Eurydice sur terre. L’œuvre de Charpentier s’achève par le retour d’Orphée dans le monde des vivants, sur une « Sarabande légère » illustrant la plainte des fantômes, tristes de voir Orphée les quitter.
Malgré ces apparences de fin, on peut se demander si c’est la volonté de Charpentier de clore son œuvre d’une façon heureuse ou bien s’il n’a pas eu l’occasion de terminer l’ouvrage avec la scène du retournement fatal d’Orphée l’empêchant de mener son projet au succès. L’œuvre n’en perd rien de sa puissance théâtrale ni de sa beauté.
Joël Suhubiette et l’Ensemble Jacques Moderne sont heureux de présenter cet opéra de chambre parfaitement adapté à la distribution de l’ensemble.
Un ouvrage terminé ? En complément de l’œuvre, ils ont souhaité proposer au public une scène finale en faisant appel à un compositeur ou une compositrice qui se prêtera au jeu.