D’un côté l’orient, ni vaporeux, ni nostalgique. Un rivage aujourd’hui, vif, hérissé, nourri d’une tradition ancestrale, constamment réinventée. L’élégant et surdoué Ahmad al Khatib, instrumentiste, compositeur, dessine une musique brodée de oud, ponctuée par les percussions complices de Youssef Hbeisch – riq, bendir, darboukas… Tout un monde subtil, millénaire et contemporain, fiévreux, nerveux, poétique où cette obstination du rythme, ces ornementations, ces boucles, ces rotations nous conduiraient à la transe…
De l’autre un quatuor à cordes remuant, iconoclaste, qui pratique aussi bien, en les tutoyant, les oeuvres du grand répertoire (Crumb, Ligeti, Scelsi…) que les rencontres insolites au-delà des frontières du genre (Albert Marcoeur, Anne Bitran, Fantazio,Moriba Koïta…). Quatre Lyonnais qui interrogent leur temps, dans sa diversité et sous toutes ses coutures.
L’enjeu : une mise en commun de timbres, de pratiques, la recherche de points de contact entre les deux aires culturelles. Ou comment soumettre l’hétérophonie arabe à un traitement harmonique occidental ? Comment faire retrouver au quatuor classique sa mémoire modale ? L’étymologie d’Al-Khatib caresse l’écrit et l’oral (katib l’écrivain, khatib l’orateur). Elle tombe pile sur ce pari audacieux et risqué. Car peut-on être sûr que la rencontre sera féconde ? Les deux partis sont friands d’aventure, rompus à l’écoute de l’Autre. Ce goût, ce désir sont d’emblée le gage d’un moment de bonheur.