Fetes grecques et romaines

Fetes grecques et romaines

Dès leur création en juillet 1723, Les Fêtes grecques et romaines, premier opéra de François Colin de Blamont s’attirent le succès. D’abord, parce que la forme du « ballet » (nous dirions aujourd’hui « opéra-ballet »), qui implique de narrer une intrigue différente à chaque « Entrée » (l’équivalent d’un acte), a le vent en poupe. Ensuite, parce que le librettiste Louis Fuzelier a l’idée de s’affranchir des mythes pour s’inspirer de l’Histoire : « On a rassemblé dans ce ballet les fêtes de l’Antiquité les plus connues et qui ont semblé les plus favorables au théâtre et à la musique », écrit le poète. « On a pris soin d’assortir à ces fêtes célèbres des aventures et des noms illustres. » Ainsi, l’Alcibiade rendu fameux par les dialogues de Platon se distingue lors des Jeux olympiques (Première Entrée), Marc Antoine et Cléopâtre célèbrent les Bacchanales (Deuxième Entrée), le poète latin Tibulle courtise sa chère Délie à l’occasion des Saturnales (qui autorisent une inversion des valeurs sociales, à la manière d’un carnaval). Ces trois fêtes assurent à l’œuvre une certaine variété, du tragique de l’amante délaissée au début des Jeux olympiques au ton galant des Saturnales, en passant par les airs à boire qu’autorisent les Bacchanales.

Troisième élément du succès, la musique de Colin de Blamont. Elle s’inscrit dans l’héritage de Lully, qu’entretenait, par exemple, un Campra. Mais loin de se borner à l’imitation, Blamont introduit çà et là quelques subtilités : tel air instrumental orchestré en trio (avec deux dessus plutôt qu’un seul et deux altos), l’importance donnée aux parties solistes dialoguant avec certains chanteurs (flûte, trompette)… De plus, le récitatif est émaillé de nombreux « petits airs », mélodiques, qui lui assurent un certain charme. Comme l’écrit Benoît Dratwicki, spécialiste du compositeur, « la musique des Fêtes grecques et romaines relève d’un style racé et harmonieux, mais – en définitive – peut-être plus cosmopolite qu’on ne le croirait à première vue. La déclamation rappelle Lully, certes ; mais le sens mélodique élégant et volubile est bien celui de Mouret, Bertin de La Doué ou Bourgeois. »

Tout cela assura aux Fêtes grecques et romaines l’affection du public, au point que, dans ses Réflexions d’un peintre sur l’opéra, Antoine Gautier de Montdorge en parle comme d’ « un des jolis ballets que nous connaissions. Tout le monde est d’accord sur le mérite du poème et de la musique. » L’œuvre fut reprise, toujours avec « un grand succès », à l’Académie royale de musique en 1733 et 1734, puis à Fontainebleau en 1739, puis à nouveau à l’Opéra en 1741, 1753, 1762 et 1770, sans compter les reprises en province (Troyes, Moulins, Lyon, Nantes, Rouen, Aix-en- Provence et même Bruxelles). Comme de nombreux opéras de cette époque, les Fêtes grecques et romaines tombent ensuite dans l’oubli pour n’être plus connues que des spécialistes. Éclipsé par Lully et Rameau, géants de la génération précédente et de la suivante, Colin de Blamont, comme Mouret, Campra, ou, dans un autre style, Rebel et Francœur, mérite d’être redécouvert pour son style efficace et attachant.

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Posté le

27 août 2023

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