Le président des Brosses est un des personnages les plus attachants
du XVIIIième siècle.
Physiquement, il n’a pourtant rien qui force l’admiration : « Il
me fait mourir de rire en habit de palais. Et le moyen de voir, sans que
les coins de la bouche ne se relèvent, une petite tête gaie, ironique et
satirique, perdue dans l’immensité d’une forêt de cheveux qui
l’offusquent » : la caricature est signée de son ami Diderot.
L’abbé Le Gouz, cousin de Charles de Brosses, a la dent encore
plus dure : « Ce drôle-là m’étonne toutes et quantes fois que je le vois ;
il se divertit tant qu’il peut, c’est-à-dire qu’il soupe tous les soirs
dehors, rentre à deux heures du matin, joue et perd son argent, boit
et mange de tout, court après les petites dames. (…) avec les vertus de
tous les vices ; bien vivant, la main aussi preste que la langue, tâtant
du verbe et de la paume, troussant la phrase et la petite dame ».
Et puis il y a la plume admirative de son condisciple au
collège des jésuites de Dijon, le naturaliste Buffon : « Ce qui lui
donnait cette avidité pour tous les genres de connaissances quelque
élevés, quelque obscurs, quelque difficiles qu’ils fussent, c’était la
supériorité de son esprit, la finesse de son discernement qui, de très
bonne heure, l’avaient porté au plus haut point de la métaphysique
des sciences. »
Au total, et en faisant la part des choses, Charles des Brosses
réalise ainsi assez bien l’idéal des Lumières, alliant une immense
curiosité intellectuelle au goût des plaisirs.
C’est encore en homme des Lumières qu’en mai 1739, il
entreprend, en compagnie de quelques jeunes aristocrates
dijonnais, un « Grand Tour » dont l’objet officiel est de mener à bien
un projet érudit sur l’oeuvre de l’historien romain Salluste.
Combien de lettres Charles de Brosses a-t-il écrites au cours
des douze mois de son voyage en Italie ? Neuf ? Cinq ? Vingt-huit ?
Les spécialistes hésitent. Ce qui est sûr, c’est que les lettres rédigées
en Italie n’ont pas été écrites dans l’intention d’être publiées ; mais
à son retour, il a appris que circulaient des copies de neuf lettres,
dont il a eu du mal à obtenir un exemplaire « même avec les fautes
d’orthographe et les mots oubliés ». C’est ce manuscrit qu’il a repris
et complété, portant l’ensemble à cinquante-huit lettres, dont deux
lettres remarquables sur les spectacles et la musique qui font
parfois l’objet de tirés à part.
Charles de Brosses poursuivait l’établissement du texte de ses lettres