Avec ce nouveau programme, la violoniste Marianne Piketty et son ensemble Le Concert Idéal explorent plusieurs réactions à cette illumination nocturne : des soirs et matins de Lili Boulanger aux fantômes, alcools et aurores de Vivaldi, des rêves et poèmes d’Ysaÿe à la création Bajo la estrella du compositeur Alex Nante. Un voyage dévoilant combien, en dépit des lieux, époques et personnages, la nuit ne cesse d’exercer un même mystère…
Le spectacle nous emmène dans une traversée nocturne, en explorant notamment les moments de frontières entre le jour et la nuit : cette idée guide également la conception des poèmes. Dans une langue toujours accessible à un public large, et dans l’optique d’un décloisonnement des arts propre au projet dans son ensemble, je souhaite jouer entre les frontières du lisible et du visible, de la lettre et de l’image, en exploitant les potentialités de la poésie visuelle – une poésie ludique, souvent éblouissante à regarder, relativement méconnue encore mais s’ancrant dans une tradition déjà ancienne, puisque remontant à Mallarmé, à la fin du XIXe siècle, et utilisée aussi par les avant-gardes du XXe siècle.
Pour inviter les spectateurs à voir et entendre « la nuit » autrement qu’à leur habitude, à mélanger leurs sens, je propose de travailler autour de quelques mots-clé comme « soir », « nuit », « étoile », « rêve » ou encore « matin », en les malaxant, manipulant, renversant de sorte à révéler tous les autres mots qu’ils recèlent en eux, mais aussi en explorant leurs sens (synonymes, antonymes, dérivés de la même famille…) ou encore en m’intéressant à leurs traductions dans d’autres langues. L’idée est donc de « faire danser » les mots qui guident chaque morceau de sorte à ouvrir l’imaginaire du spectateur – sans lui demander pour autant une concentration excessive, puisque son attention sera déjà focalisée sur le concert. (Camille Bloomfield)