« Regardez un jour le ciel bleu, avec quelques nuages ; regardez-le cinq minutes plus tard, vous aurez l’impression qu’il n’a pas changé et pourtant ce n’est plus le même. », disait le compositeur américain Lukas Foss à propos des œuvres minimalistes.
« Three colors of a day, » au fil des changements organiques et presque imperceptibles de la musique répétitive, propose à l’œil comme à l’oreille de suivre la diffraction de lumière telle qu’elle s’offre à nous à différents moments de la journée, de l’aube au crépuscule.
« Three colors of a day » est le fruit d’une rencontre, d’un compagnonnage : celui de l’Ensemble Links et de l’Ensemble vocal Sequenza 9.3, engagés dans la création et mus par un désir commun de s’aventurer hors de leurs terres artistiques. Les deux ensembles se sont, conjointement, plongés dans l’univers puissant et hypnotique de la musique minimaliste. Partant de l’effectif vocal et instrumental de la pièce « Proverb » de Steve Reich, ils ont co-écrit un programme susceptible de faire sonner – ensemble et séparément – voix, claviers et percussions, sous la double direction de Rémi Durupt et de Catherine Simonpietri.
« Three colors of a day » est un voyage poétique visuel et sonore dans l’univers post-minimaliste des héritiers du compositeur Steve Reich, construit autour de son chef d’œuvre Proverb pour ensemble vocal et instrumental. Chacun d’entre eux, perpétuant une voie stylistique ouverte au vingtième siècle, rend également hommage aux œuvres du passé : Reich, lui-même se situe pour cette pièce dans le souvenir de Pérotin, Gavin Bryars revendique un lien au madrigal italien, tandis que Frederic Rzewski fonde son écriture sur une basse obstinée évoquant la musique ancienne.
La notion d’héritage est donc centrale dans ce projet transdisciplinaire où la percussion de Links et les voix de Sequenza 9.3 vont à la rencontre de la calligraphie de l’artiste Juliette Baigné. Les textes mis en musique racontent une forme de sagesse métaphysique tandis que le pinceau de Juliette déploie sur une grande page suspendue de papier des formes tantôt silhouettes ou nuages, tantôt abstraites. Ce partenariat scénique avec l’artiste plasticienne et danseuse, fortement inspirée du taoïsme, viendra prolonger cette couleur méditative. Déployant ses créations visuelles sur le temps de la musique, elle se situera néanmoins dans un temps parallèle, régi par d’autres contraintes. Comme la matière musicale, sa présence oscillera entre immobilité et mouvement.
Au panorama des musiques de Gavin Bryars, Bryce Dessner, et Frederic Rzewski ou encore Eliott Cole s’ajoute une nouvelle œuvre de la compositrice Trami Nguyen, plutôt habituée des créations électroniques mais rompues aux mondes de la percussion et de la voix par son activité de pianiste et cheffe de chant. Sa pièce, « Œil du limon », sera inspirée de la transe chamanique et marquée par une forte dimension méditative – faisant ainsi écho aux envoûtements subtils de la musique minimaliste.
En tant que créatrice issu du monde de la composition électronique et de la création performative en Europe, et exerçant en parallèle les rôles de chef de chant à l’Orchestre de Paris, de pianiste contemporaine et de chambriste classique, cette œuvre s’inscrira naturellement dans la convergence de multiples sources d’inspiration.
Note d’intention de Trami Nguyen :
La chance de pouvoir composer pour la formation fusionnée de l’Ensemble Links et des chanteurs de Sequenza 9.3 est pour moi un honneur. Cela me permettra d’explorer une œuvre inspirée de la transe chamanique et cognitive, dans le sillage des recherches en neurosciences de Corine Sombrun sur la transe.
La pièce développera un travail polyphonique autour d’agrégats et de pôles de fréquences précis avant d’aborder une séquence rythmique complexe dans le but de générer un seuil de conscience modifiée.
Les chorégraphies et gestuelles des chanteurs et musiciens joueront un rôle central dans « Oeil du limon ». J’aimerais pouvoir induire dans le corps des interprètes par une notation spécifique une expérience méditative, parfois calme parfois plus virtuose, où des placements gestuels de danse contemporaine et de mudras indiens fusionneront avec des modules de sons lisses ou striés, ce, dans une plus vaste immersion de halo électronique et percussif.
La notation musicale du silence jouera également un rôle essentiel au cœur de cette création. Il guidera les émotions véhiculées par l’art respiratoire, donnant une dimension expressive à ce qui est généralement relayé au rang d’automatisme ou de nécessité. Pour accentuer cette dimension intérieure, j’ai l’intention d’utiliser une notation spécifique, offrant une liberté interprétative à chaque artiste.
« Oeil du limon » se veut être une création novatrice, embrassant la fusion des arts, de la musique électronique, de la danse contemporaine, de la transe et de la méditation, pour offrir à l’interprète une dimension à la fois intime et pluridisciplinaire, et au public une expérience sensorielle immersive de conscience modifiée.
Gavin Bryars (né en 1943), Marconi’s Madrigal – 7’
Frederick Rzewski (1938-2021), I will not serve 3’
Gavin Bryars (né en 1943), Ponmi ove ‘l sole occide i fiori et l’erba 4’
Elliot Cole (né en 1984), Postlude 2’
Trami Nguyen (création) – ≃ 12’
Elliot Cole (né en 1984), Postlude 2’
Bryce Dessner (né en 1976), Tour Eiffel – 12’
Elliot Cole (né en 1984), Postlude 2’
Steve Reich (né en 1936), Proverb – 15’
Durée du spectacle: 1h