Le projet est né à l’issue d’une résidence avec l’ensemble MG21 en Ariège en Avril 2012 lors de laquelle furent crées trois pièces « Murano glass », « Canareggio », et «Un paradiso di doppi sensi » d’une durée totale de 30 minutes, reliées entre elles par des interventions au oud.
Cette occasion nous a donné l’idée de prolonger ce travail, en ajoutant la voix soprano de Claire Feintrenie en forme d’un concert complet évoquant Venise aujourd’hui, telle que je la perçois en quelques éclairs :
Du matin jusqu’à la lune. Oh Venezia !
Cette chanson ouvre le spectacle, dans un musée parisien un couple d’amoureux plonge dans un tableau de Canaletto et se retrouve instantanément téléporté à Venise….
Oh Venezia !
Je me suis lancé dans un hommage à Giuseppe verdi en prolongeant cette chanson de gondolier….
Murano Glass.
Les verreries, du sublime au plus kitsch, voire les deux en même temps, l’empire de la forme noyée dans le baroque, la virtuosité sans faille des souffleurs…
Un Paradiso di Doppi Sensi, le Grand Canal la nuit
Si Venise est théâtre, est-ce l’eau qui en est la scène et la pierre le décor, ou l’inverse, ou autre chose ? Du Vaporetto Uno je contemple ce palais en réfection, aux échafaudages masqués par une immense toile en trompe l’œil figurant sa future splendeur renouvelée. Cette vue me ramène toujours aux masques vénitiens.
La sérénité de la nuit est telle que l’on en oublie le bruit des moteurs, et le choc sourd et répété, lancinant, des accostages aux appontements flottants… Plus tard, rentrant au logis, j’aimerai à me retourner pour contempler la rue dans l’autre sens, toujours la même, toujours une autre, l’ivresse de se perdre, mais pas trop car toujours l’eau est la, qui ceint ce monde en entier…
Cannaregio.
Il est bon de flâner dans ce quartier plein de calmes surprises, en rêvant à la scène des coffrets du Marchand de Venise.
– «Tell me where is fancy bred». Au bord des canaux les artisans s’activent, de petits marchés flottant proposent des fruits et légumes venus des potagers de Sant’Erasmo.
De petits kiosques surgissent, vendant articioffis et ruccola de saison. Assis au bord de la lagune Norte, jouir du bonheur rare de voir dans le lointain s’esquisser la silhouette des Alpes enneigées dans la lumière d’hiver. Assis au bord de la lagune Norte, jouir du bonheur rare de voir dans le lointain s’esquisser la silhouette des Alpes enneigées dans la lumière d’hiver.
Giungla di Pietra
Sans cesse refaite, changeante, figée en sa taille, Venise me fait penser à ces plantes tropicales qui portent à la fois leurs fleurs nouvelles et d’autres pourrissantes.
Les graffs et tags pullulent sur les murs de cette petite ville italienne, ramenant à la réalité cette presque ville poupée.
Quelque chose me dit qu’il en a toujours été ainsi.
Venezia oggi
Le déclin de Venise a été causé en partie par l’essor du commerce transatlantique après la découverte des Amériques.
J’y vois un parallèle avec la situation de l’Europe aujourd’hui face au développement de la zone Pacifique. D’autre part l’influence allemande y est forte dans l’architecture (et le Spritz) depuis que les croisés germains y prenaient pied avant de rejoindre la terre sainte, faisant de la Cité un modèle latin de la Mittel Europa, mâtiné d’Orient et d’Afrique.
On est toujours venu de partout à Venise, au moins pour s’éblouir de son extraordinaire situation, y commercer et entretenir son cosmopolitisme.
Claudio Monteverdi a passé les trente dernières années de sa vie à Venise, Claire Feintrenie le chantera, et racontera quelques anecdotes typiquement italiennes qui font aussi le régal d’un séjour en la Sérénissime.