Musique bretonne, musique contemporaine, musique tout court, magique, bouleversante. En intégrant dans des compositions originales ce que la tradition a de plus viscéral, avec le Quatuor de Sillages et les orchestrations de Gonzalo Bustos et Frédérique Lorry, Marthe Vassallo et Philippe Ollivier mettent en commun le butin de trente ans d’aventures.
Ici tout est permis : traitements électroacoustiques en temps réel et instruments bricolés, confidences, humour pince-sans-rire, improvisations musicales et dansées, programme selon l’humeur du jour… Attendez-vous à écraser une larme à la mort d’une bergère inconnue, à chanter le rond de Saint-Vincent dans la nuit, à revendiquer le droit d’être heureux en dépit des marchands de peurs…
Ici, pas de mouettes sur la lande à l’ombre des menhirs en fleurs. Bugel Koar chante en breton comme d’autres chantent en anglais, en français ou en wolof : pour raconter le monde, l’amour, la chair, le besoin et la peur, le bonheur qui fait mal, la tristesse qui guérit, le rire qui lave.
Bugel Koar est né au tournant des années 2000. Marthe Vassallo et Philippe Ollivier y apportaient la largeur de leurs expériences respectives : si tous deux étaient déjà bien connus des danseurs de fest-noz, l’un était compositeur et aussi ingénieur du son, féru de musique contemporaine et attiré par la plasticité du bandonéon ainsi que par les arts de la scène et notamment du cirque ; l’autre sortait d’une aventure marquante en théâtre d’avant-garde et apprenait le chant lyrique tout en approfondissant son approche des gwerzioù, les grandes complaintes narratives en breton. Leur interaction laisse, aujourd’hui encore, un souvenir fort au public de leurs deux spectacles et albums.
Le projet a ensuite été mis en sommeil durant une quinzaine d’années, le temps pour chacun d’explorer de nouveaux terrains encore… et pour le monde de changer. C’est à ces nouvelles lumières que le duo souhaite à présent reprendre le travail, écrire de nouveaux morceaux et revisiter son répertoire, cette fois dans un espace musical plus vaste grâce à la collaboration avec le quatuor à cordes de l’Ensemble Sillages et avec les compositeurs Gonzalo Bustos et Frédérique Lory, ainsi qu’à l’utilisation des outils informatiques développés par Philippe Ollivier.
Bugel Koar reprend le travail, mais cette nouvelle production ne se contentera nullement d’une reprise : si le répertoire va être effectivement revisité, il va aussi être augmenté de nouveaux morceaux, enrichi des expériences acquises et repensé pour la collaboration avec le quatuor à cordes de l’Ensemble Sillages.
L’envie de travailler avec des cordes n’est pas nouvelle : le morceau-titre du premier album du duo, « Ar Solier », était déjà accompagné de cordes orchestrées par Frédérique Lory. Mais c’est la rencontre avec Sillages qui est cette fois décisive : à la parfaite maîtrise et l’audace de l’ensemble contemporain s’ajoutent les affinités artistiques entre Gonzalo Bustos, son directeur artistique, lui-même compositeur, et Philippe Ollivier ; la formation classique de Marthe Vassallo fluidifie encore les échanges. Une première expérience de réinterprétation de « Ar Solier », au festival Les Aérolithes en juin 2023, a confirmé la compatibilité des univers et des personnes.
Les orchestrations pour cordes seront confiées en partie à Frédérique Lory et en partie à Gonzalo Bustos, l’idée étant de convoquer leurs deux points de vue : Frédérique Lory, compositrice et chef de chant, est aussi familière du traditionnel breton que de l’écriture pour orchestre ; l’Orchestre National de Bretagne lui a souvent passé commande, dont plusieurs fois pour des collaborations avec Marthe Vassallo ; Gonzalo Bustos, compositeur d’origine argentine, a grandi « entre tango et Bach » ; il connaît fort bien le bandonéon et porte sur la musique bretonne un regard venu d’ailleurs.
Les quinze années écoulées depuis le dernier concert de Bugel Koar ont aussi été, pour Marthe Vassallo et Philippe Ollivier, un temps de développement de savoirs et d’outils. Philippe Ollivier a notamment conçu le logiciel Logelloop (codéveloppé initialement avec Christophe Baratay et plus récemment avec Théophile Rousic-Plantec), un outil polyvalent de live-looping et traitement du son en direct, qu’il a lui-même utilisé dans de nombreuses créations et avec lequel Marthe Vassallo vient d’écrire un solo pour voix chantée. Un outil qui va permettre de multiplier les possibilités du duo, prolongement naturel de sa démarche des années 2000 qui explorait déjà les ostinatos, le retraitement du son et les automates.